dimanche 23 novembre 2008

Un deuxième barrage pacifique sur l'autoroute 117

Lac Barrière


Barrage de l'autoroute 117 le 6 octobre 2008

Kitiganik/Lac Rapide, Territoire algonquin -- Ce matin, à 7h30, les membres de tous âges de la communauté du Lac Barrière, avec ceux qui les appuient, ont une fois de plus bloqué la route 117 devant leur réserve, pour exiger que le Québec et le Canada leur envoient des négociateurs plutôt que des policiers. Lors du premier barrage, le 6 octobre 2008, la SQ a recouru aux gaz lacrymogènes et à des techniques de neutralisation par la douleur contre des manifestants paisibles, dont des aînés, des jeunes et des enfants. Neuf personnes ont été arrêtées et un des leaders a été hospitalisé après avoir reçu une bombe de gaz lacrymogène dans la poitrine. Les groupes internationaux des droits humains, les Chefs d'Ontario et l'équipe chrétienne de maintien de la paix ont critiqué cette intervention.[http ://blip.tv/file/1391794][1]

Ils promettent de maintenir le barrage routier jusqu'à ce que le Canada et le Québec s'engagent par écrit à respecter leurs ententes et que le gouvernement canadien mandate un observateur pour agir comme témoin lors de la sélection de nouveaux chefs, en accord avec le Code coutumier de gouvernance du Lac Barrière, et qu'il en reconnaisse les résultats.

« Plutôt que d'exécuter le sal boulot du gouvernement fédéral, le Québec devrait mettre ses engagements en oeuvre et faire pression sur le fédéral pour qu'il traite notre communauté de façon équitable », propose Norman Matchewan, porte-parole de la communauté présent sur le site, « le traitement brutal que Charest nous inflige illustre le manque de respect de son gouvernement pour les droits des autochtones, ce qui devrait être l'un des grands enjeux de l'élection provinciale. »

La communauté du Lac Barrière veut que le Canada et le Québec fassent respecter les ententes issues de l'accord trilatéral de 1991, un accord de développement durable et de cogestion des ressources, qui avait alors été applaudi par l'ONU et la Commission royale sur les peuples autochtones. Le gouvernement du Canada ne respecte plus l'accord depuis 2001. Le Québec a signé en 1998 un accord bilatéral, mais piétine depuis que des recommandations pour sa mise en oeuvre ont été soumises, en 2006, par deux anciens ministres, John Ciaccia, représentant particulier pour le Québec, et Clifford Lincoln, représentant particulier des Algonquins du Lac Barrière.

« Pour éviter ses obligations, le gouvernement fédéral a délibérément enfreint nos coutumes de gouvernance en délogeant notre Chef et Conseil coutumier », explique Matchewan. « Dans ce qui s'apparente à un coup d'État, il a mis en place un Chef et Conseil rejeté par la majorité de la communauté. Les gouvernements du Québec et du Canada travaillent main dans la main car ils se servent de ces mêmes problèmes de gouvernance comme excuse pour enterrer les accords qu'ils ont signés avec les Premières Nations en 1991 et 1998 respectivement. »

Le 10 mars 2008, pour la troisième fois en 12 ans, le gouvernement du Canada s'est immiscé dans la gouvernance interne du Lac Barrière. Il a révoqué la reconnaissance du Chef et Conseil coutumier et a mandaté un groupe qui, selon le Conseil des aînés du Lac Barrière, n'a pas été choisi dans le respect de leur Code coutumier de gouvernance.

Selon Marylynn Poucachiche, une autre porte-parole de la communauté. « Le gouvernement fédéral prétend qu'il s'agit d'un simple problème interne. Mais nous ne pouvons régler la situation que si le gouvernement fédéral mandate un observateur-témoin pour assister au processus de sélection de nouveaux chefs, en accord avec le Code coutumier de gouvernance du Lac Barrière, qu'il promette d'en respecter les résultats et qu'il cesse de s'immiscer dans nos affaires internes. »

En novembre 2007, l'autorité légitime du Lac Barrière bannissait les nouvelles exploitations forestières sur le territoire trilatéral, et ce, jusqu'à ce que Québec mette en oeuvre les entente, mais la province et les compagnies forestières ont profité du changement de leadership pour ouvrir de nouvelles routes et préparer les activités de coupe de bois, sans la permission des représentants légitimes du Lac Barrière.

En 2007, le juge Réjean Paul, de la Cour Supérieure du Québec, a émis un rapport qui concluait que le groupe reconnu par le gouvernement fédéral, lors du prétendu choix d'un chef en 2006, ne représentait qu'une « tres minorité » qui « ne respecte pas le Code coutumier de gouvernance »[2]. Le gouvernement fédéral a reconnu cette faction minoritaire après avoir mené un autre présumé processus de sélection en janvier 2008, même si, selon le rapport d'un observateur sur lequel se fiait le gouvernement, rien ne « garantissait » que le Code coutumier de gouvernance soit respecté [3].

Le Secrétariat de la nation algonquine, un conseil de bande regroupant trois communautés algonquines dont celle du Lac Barrière, reconnaît toujours le leadership de Benjamin Nottaway et continue de travailler avec lui et son conseil.

Ce midi, à Montréal, les militants du Lac Barrière se rassembleront devant le bureau du Premier ministre Jean Charest, au coin sud-est de McGill College et Sherbrooke.

Contacts médiatiques :
Norman Matchewan, porte-parole Lac Barrière : 819 — 435 — 2171, 514 - 831 - 6902
Marylynn Poucachiche porte-parole Lac Barrière (en anglais) : 514 - 893 - 8283, 819 - 860 - 3860
Norman Young, Grand Chef, Le Secrétariat de la nation algonquine : (819) 627 -6869

Notes

1. Photos : http://www.flickr.com/photos/31135244@N07/sets/72157607795831835/
2. Rapport du Juge Réjean Paul.
3. Lettre du 2 février au ministre Chuck Strahl, pg 2 (cliquez icie pour le document en anglais)

vendredi 21 novembre 2008

Des barricades sur la 117

Isabelle Hache

20 novembre 2008

(Lac-Barrière, Abitibi) Excédés par le «mépris» des gouvernements à leur endroit, des Algonquins de Lac-Barrière ont érigé trois barricades sur la route 117, hier, dans la réserve faunique La Vérendrye, en Abitibi.




Les deux premiers barrages routiers ont été dressés à 7h20, hier matin. Des dizaines d'Autochtones ont bloqué la route pendant environ trois heures avant que la Sûreté du Québec ne démantèle les barricades dans le calme.

Mais l'arrestation d'une porte-parole de la communauté a échauffé les esprits. Pour protester, une chaîne humaine s'est formée vers midi, bloquant à nouveau toute circulation sur la route 117.

«On nous a laissés tranquilles pendant deux heures, puis les policiers anti-émeute sont arrivés. Ils ont violemment poussé les gens en bordure de la route avec leurs matraques. Un jeune s'est cogné la tête sur l'asphalte. Il saignait abondamment», raconte Norman Matchewan, un jeune de la communauté.

Cinq Autochtones ont été arrêtés, dont l'ancien chef, Benjamin Nottaway. Un jeune militant qui avait fait cinq heures de route depuis Montréal pour manifester son soutien à la cause autochtone a aussi été appréhendé.

C'est la deuxième fois en moins de deux mois que les Algonquins bloquent la route 117. «On n'a pas le choix de le faire. C'est le seul moyen qu'on a pour faire valoir notre point de vue auprès des gouvernements. C'est une question de survie pour notre communauté», dit un porte-parole, Michel Thusky.

La pauvreté est partout à Lac-Barrière. Le hameau de 450 âmes a l'air délabré. Devant une petite maison de bois rudimentaire, un enfant fend les bûches qui chaufferont sa famille pour la nuit. «Quatre-vingt-dix pour cent des gens vivent de l'aide sociale», souligne M. Matchewan.

Les Algonquins sont convaincus que leurs conditions de vie ne seraient pas aussi rudes si Québec et Ottawa avaient respecté une entente signée il y a des années - mais qui s'empoussière sur les tablettes des gouvernements.

En 1991, les trois parties ont signé un accord «historique» pour le développement durable et la cogestion des territoires ancestraux algonquins.

Applaudie par l'ONU, cette entente trilatérale devait permettre aux Autochtones d'obtenir des redevances sur l'exploitation des ressources naturelles.

Depuis, les coupes de bois et la chasse sportive ont continué sur le territoire des Algonquins, générant des profits annuels de 100 millions de dollars. «La communauté ne touche pas un sou de cet argent», déplore M. Thusky.

Les Autochtones en veulent aussi à Ottawa pour s'être «immiscé» dans la gouvernance interne de Lac-Barrière en imposant un chef et un conseil de bande rejetés par la majorité de la communauté. Un «coup d'État», selon M. Matchewan, qui vise «à détruire l'accord en jouant la carte de la division dans notre communauté».

Manifestation devant le bureau de Jean Charest

Pendant que des Algonquins bloquaient la route 117, en Abitibi, une vingtaine de sympathisants manifestaient devant le bureau de Jean Charest, hier midi, au centre-ville de Montréal. Le gouvernement libéral «n'a absolument aucun respect pour les droits des peuples indigènes, qui devraient être un sujet urgent de débat pendant les élections provinciales», dit Norman Matchewan, un jeune porte-parole de la communauté.