samedi 24 mai 2008

Les dessous de la résistance algonquine

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L’Accord trilatéral du lac Barrière


Par Jean Lacaille
Publié le 23/5/2008 sur Allo Outaouais.com

Les dessous de la résistance algonquine

Jean Lacaille – Blue Sea – Alors que le Rapport Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables vient d’être publicisé, des Algonquins de Lac Barrière ont manifesté vendredi devant les bureaux du premier ministre Jean Charest. Voici pourquoi ?

Les Algonquins de Lac Barrière vivent dans la réserve faunique La Vérendrye où ils mènent un mode vie fondé sur les ressources naturelles dont ils tentent de s’accommoder du mieux qu’ils peuvent surtout depuis qu’on a permis les coupes forestières sur leur territoire.

Une bonne part des terres où ils pratiquent la chasse, le trappage et la pêche est soumise à une exploitation forestière, à des activités de chasse et de pêche récréatives et à des aménagements hydro-électriques.

En 1990, le gouvernement du Québec a signé des ententes d’exploitation forestière de 25 ans avec des compagnies qui excluaient les diverses autres valeurs de la forêt, risquant ainsi de détuire la biodiversité des végétaux et des animaux que les Algonquins voulaient maintenir. Après la signature d’environ 18 accords d’exploitation forestière, les Algonquins ont compris qu’ils devaient se doter d’une stratégie de conservation qui assurerait la préservation des caractéristiques forestières essentielles à leurs yeux. Ils ont donc cherché è négocier à trois (Algonquins-Québec-Ottawa) des mesures de protection provisoires et une stratégie de développement durable à plus long terme.

Finalement, en 1991, les Algonquins ainsi que les gouvernement provincial et fédéral ont négocié l’Accord trilatéral du Lac Barrière. En vertu de cet accord, les Algonquins ont proposé un modèle de développement durable fondé sur les concepts du rapport Brundtland de 1987 de la Commission mondiale de l’environnement et du développement.

Conciliation de la foresterie et des modes de vie traditionnels

En vertu de l’Accord, les Algonquins du Lac Barrière ont résolument voix aux chapitre dans la planification de l’aménagement forestier d’une grande partie de leur territoire ancestral, qui recouvre 10 000 kilomètres carrés. L’Accord cherche à concilier les opérations forestières avec les préoccupations environnementales et le mode de vie traditionnel des Algonquins.

L’Accord stipule que le Québec et les Algonquins doivent préparer un plan de gestion intégrée des ressources (PGIR) qui tienne compte des besoins de l’économie de subsistance des Algonquins. Vu que ce processus devait prendre plusieurs années, un régime de gestion provisoire spécial a été adopté.

Recensement et protection des zones sensibles

Avant que les discussions ne débutent, les trois parties ont essayé de comprendre les ressources que les Algonquins utlisent et pourquoi celles-ci revêtent tant d’importance à leurs yeux. Il a donc fallu immédiatement répertorier les zones sensibles et recommander les façons de les protéger contre l’extraction des ressources. Parmi ces zones sensibles, il y a des habitats fauniques critiques et des sites importants pour les Algonquins ( ravages d’orignaux, érablières, zones sacrées, secteurs où l’on trouve des plantes médicinales et zones riveraines, le littoral et les rives ).

Pour protéger les zones riveraines sensibles, les Algonquins ont recommandé l’établissement de larges zones tampons le long des rivières, des lacs et des cours d’eau. Les Algonquins ont soutenu que les animaux avaient besoin de zones tampons plus larges ( qui a l’époque mesuraient 20 mètres de large ). De plus, dans ces zones plus larges, un moins grand nombre d’arbres seraient abattus. Enfin, les Algonquins eux-mêmes, qu parcourent de longues distances le long du littoral ont besoin de zones tampons plus larges.

Parachèvement des recherches de base

Depuis 1994, les Algonquins et le gouvernernement du Québec ont concentré leurs efforts sur le parachèvement des recherches de base et la préparation d’une ébauche de PGIR pour le territoire visé par l’accord. Les principaux défis ont consisté à faire une analyse des données et des confirmations existantes, à compiler de nouveaux inventaires et de nouvelles informations sur l’utlisation des ressources renouvelables et à surveiller les impacts et les activités de développement dans le territoire. Ces recherches ont donné lieu à un système de classification algonquine et à une base de données des caractéristiques géophysiques, des sols, des types de forêts et des catégories de flore et de faune.

Informations issues des noms de lieu

Une partie de ces recherches de base comportait des projets visant à documenter les connaissances écologiques et sociales des Algonquins afin d’incorporer ces données dans le PGIR.

Une étude s’est concentrée sur les noms de lieu. L’étude ne fait qu’indiquer les lieux qu’utilisent les Algonquins, mais elle contribue à faire mieux comprendre la façon dont ils perçoivent la terre. Par exemple, de nombreux noms de lieux comportent le mot “truite”, ce qui révèle que ce poisson revêt de l’importance à leurs yeux. La coutume de donner aux lieux des noms descriptifs fournit également des renseignements sur les changements environnementaux qui se sont produits avec le temps. Le nom “Lac à la Grosse Truite”, par exemple, indique qu’il fut un temps où les grosses truites abondaient dans ce lac, ce qui est peut-être même toujours le cas.

La façon dont les Algonquins perçoivent les saisons offre une autre optique intéresssante sur leurs connaissances écologiques. Les Algonquins reconnaissent au moins six saisons et la façon dont ils déterminent le début d’une saison est assez flexible. Par exemple, leur saison “lune de l’oie” ( qui est la période où les oies migrent vers le nord au printemps ) est marquée par l’événement proprement dit, c’est-à-dire le moment où les oies font leur apparition dans la région.

Parachèvement de la dernière phase

La dernière phase de l’Accord trilatéral du Lac Barrière prévoit la formulation de recommandations sur la façon de mettre à exécution le projet de PGIR. Malheureusement, des difficultés d’ordre juridique ont retardé le processus et le plan n’a pas définitivement été arrêté.

En dépit de ces retards, l’étude de cas sur les Algonquins démontre que lorsqu’ils disposent de suffisamment de temps, de fonds, d’engagements et de structures organisationnelles, les peuples autochtones et les gouvernements arrivent à établir des partenariats fructueux.

Ces données ont été puisées sur le site Web de Ressources naturelles Canada (Connaissances traditionnelles des autochtones en écologie ).

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